Brève histoire de l'émaillage

INTRODUCTION A L'EMAILLAGE

On croit qu’il n’y avait pas de mot pour indiquer l’émail dans le monde ancien et pour le séparer d’autre matériels avec des fonctions, propriété esthétiques ou méthodes applicatives similaires. Cela est dû à sa relative nouveauté pour les Anciens, mais bien aussi pour l’utilisation générique du même mot pour décrire tous les substances brillante qu’on pouvait incruster ou fondre sur le métal ou sur la céramique et qui n’était pas une pierre précieuse. Il parait, en effet, que le même mot été utilisé dans l’antiquité pour indiquer l’ambre (considérée comme un verre naturel), les pâtes de verre et l’émail. On a des confirmes de cette vue dans le mot « hashmal » en hébreu du Vieux Testament (Ezéquiel, 1,4), dans le mot grec « elektron » (utilisé par Homer dans l’Iliade pour les décorations sur l’écu d’Achilles) et le mot latin « electrum » (utilisé par les Latins pour traduire hashmal et elektron). C’est pour cela qu’il est difficile de définir précisement l’histoire ancienne de l’émail sans de preuves archéologiques (source: N. Dawson, Enamels, Londra, 1906; H. H. Cunynghame, European Enamels. 1906).

Le mot electrum était utilisé jusqu’à la moitié du Moyen Age, quand les mot smaltum et emallum (ou d’autres variations des deux) font leur apparition pour décrire spécifiquement ce matériel. On croit avec beaucoup de sûreté que ces mots sont tiré du gothique « smaltjan » qui signifie « fondre ». Smaltum et emallum sont à l’origine des différents mot pour émail dans les langues européennes (italien : « smalto », allemand « émail », anglais « enamel », espagnol « esmalte, russe “эмаль”). Aujourd’hui il est rare que les experts fassent référence au mot « smagdos », utilisé à Byzance pour les objets émaillés, comme origine des mots smaltum et emallum.

Avec le mot « émail » on indique spécifiquement un cristal qui ressemble au verre, lequel est ajouté avec des pigments colorants, moulé et fondu à haute température sur le métal (500-900°C) pour former une liaison permanente sur la base métallique grâce à des réactions chimiques et physiques. En origine, l’émail été né pour des buts esthétiques (c’est-à-dire pour décorer et colorer les métaux précieux comme l’or, l’argent, le bronze ou le cuivre), mais aujourd’hui on apprécie ce matériel aussi pour ses caractéristiques protective qui ont permis à beaucoup d’œuvre en émail de survivre jusqu’à nos jours.

I. Les origines de l'émaillage

On croit que le berceau de cet art peut être dans la Mer Méditerranéenne, en particulier la ville de Mycènes et l’île de Chypre, il y a 3500 ans. Certainement, la technique n’apparait pas tout à coup, mais elle est le résultat d’une connaissance développée au cours des milléniums. On peut identifier de différentes techniques et technologies qui ont été les précurseurs de l’émail, en particulier :

1- Les pâtes de verre et les glaçures céramiques qui étaient utilisées en Egypte depuis le cinq millenium avant Jésus-Christ. Ce sont les deux matériels les plus similaires à l’émail. En réalité, on disposa les pierres de verre directement sur le métal.

2- Le bleu égyptien, connu bien aussi en Italien comme « smaltino », inventé environs 2000 avant Jésus-Christ. C’est un pigment au cobalt avec une ajoute de potasse, appliqué pour de finalités décoratives.

3- Le niellage, qui consiste de l’application d’une poudre noire fusible sur le métal gravé. Les technologies et la méthode applicatives pour le niellage était en tout similaire à l’émail. Inventée en Egypte, la technique était déjà bien connue dans la Méditerranée au principe de l’Âge de Fer.

A gauche: pâtes de verre, Egypte, Ve millennium av.J-C. A droite: anneau de Tellus, IIIe millenium av.J-C., encrusté avec des pierres.

 

C’était environs 1500 avant Jésus-Christ que les orfèvres et verriers mycéniens découvrent un verre qui ressemble aux pierres précieuses et qui se fonde sur l’or d’une manière qu’il y adhère et forme une liaison permanente sur la surfcae métallique par un procédé de vitrification en haute température (source : A. H. Dietzel, Emaillierung, Springer-Verlag, 1981). Les premiers émaux trouvés à Mycènes date 1425 avant Jésus-Christ et sont exclusivement bleu : à partir de ce moment, il est possible de vérifier l’histoire de l’émaillage avec plus de certitude. On doit remarquer que la technique était utilisée seulement pour des bijoux et objets religieux pendant les premiers siècles de son histoire, pourtant il est encore plus difficile de définir une histoire complète de l’art de l’émail.

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A gauche: poignard en bronze, décorés en métal noble. A droite: poignard partiellement émaillé, Mycènes, XIVe siècle, Musée d'Athène.

Les trouvailles les plus anciennes de vrai émail de l’île de Chypre pendant son âge d’or, quand le mycéniens s’échappaient sur l’île pendant l’invasion des Achéens. La grande qualité des objets de cette période montrent une connaissance très développée de cette technique malgré la rareté de ces trouvailles. Les premiers exemples connus sont six anneaux d’or daté au XIIIe siècle, retrouvés dans une tombe à Kouklia. Un autre objet important est le sceptre royal en or du XIe siècle retrouvé à Kourion, l’ancienne capitale de l’île, dont le pommeau, installé sur un bâton de 16 cm, est décoré avec des émaux blanc, lilas et verre appliqués dans des alvéoles selon la technique qui sera appelé « cloisonné » beaucoup de siècles après. Le sceptre et les anneaux d’or sont actuellement dans le musée de Chypre à Nicosie. 

Anneaux émaillés retrouvés dans la tombe mycénienne (1300 – 1100 avant J-C).

Pommeau du sceptre de Kurion, émail cloisonné, Chypre, 1100 avant J-C.

Il est un sujet de discussion si l’ancien Egypte connaissait l’art de l’émaillage pendant la XVIIIe dynastie (1543-1292). A ce propos, le célèbre égyptologue T.G.H. James écrit à propos du collier de la déesse Nekhbet sur le pectoral de Toutankhamon (1332-1323) : «Le véritable émaillage cloisonné consiste à remplir les cloisons avec du verre en poudre qui est ensuite mis en position, ce qui entraîne des incrustations qui complètent complètement et sont étroitement fixées dans leurs petites enceintes dorées. Il n'a pas encore été confirmé par un examen scientifique approfondi que la technique a été utilisée dans ce cas.»

Il n’est donc pas sûr si l’on peut considérer ces trouvailles égyptiennes comme véritable émail ou non, au moins avant l’âge helléniste. Néanmoins, on doit rappeler que l’Egypte aux jours de Toutankhamon avait des relations économiques avec Chypre depuis environs 50 ans, sous la forme d’importations par les Peuples du Mer, et cela pourrait justifier la présence de l’émaillage pendant le Royaume Nouveau. 

II. Les routes de l'émail dans l'antiquité

Entre l’XIe et le VIIe siècle, on ne connait pas de trouvaille archéologique en émail et il paraisse que la technique était disparue. On doit attendre jusqu’au VIIe siècle pour voir une réapparition soudaine de l’émail dans les différentes parties du Vieux Monde, sous la forme des détails émaillés sur des bijoux en or décorés en filigrane. 

La raison pour cette renaissance de l’émail est inconnue, mais on peut cherchez des hypothèses : un peut supposer un rôle clef de l’Empire Assyrien, qui au VIIe siècle était à son apogée. Comme pour l’Egypte, la possible présence de véritable émail en Mésopotamie sous la forme de verre coloré sur les bijoux de cette période n’est pas sûre assez, mais il y a dans ce cas quelques preuves à faveur d’une utilisation décorative de l’émaillage par les Assyriens. A ce propos, l’archéologue et historien Roger Moorey a écrit : « Toute la question a été rouverte grâce aux trouvailles dans les tombeaux de Nimrud en 1998-1999, qui consiste de bracelets en or décorés avec des travaille en cloisonné polychrome. Bien que quelques objets sont sans doute incrusté avec des pierres semi-précieuses, quelques parties peuvent être vrai émail » (source : P.R.S. Moorey, Ancient Mesopotamian Materials and Industries: The Archaeological Evidence, Oxford, Clarendon Press, 1994). Il est important que les Assyriens était des maîtres pour l’utilisation de techniques similaires à l’émail, en particulier les glaçures, qui demander les mêmes technologie de l’émaillage sur métal.

Entre les preuves indirectes, on peut mentionner que, pendant le royaume d’Assurbanipal (668-627 avant Jésus-Christ), l’Assyrie contrôlait les territoires où l’émail existait déjà (comme Chypre ou, peut-être, l’Egypte) et ceux qui verrons l’utiliser dans les siècles suivants. Selon les historiens, le roi Assurbanipal a été le grand patron des arts et de la littérature à cette époque et cela peut être un des facteurs qui ont aidé à épandre l’émaillage entre et au dehors des limites de l’Empire. Un autre facteur est l’habitude des Assyriens de déporter et mixer les populations vaincues.

Il y aurait probablement deux routes de l’émail dans l’antiquité :

- Une Route Orientale, sous la médiation des Scythes, une population de guerriers iraniens qui portaient l’émaillage sur deux vecteurs. Le plus ancien est le vecteur asiatique, qui coïncide avec la Route de la soie ; les témoins de ce parcours de l’émail sont les trouvailles à Ziwiyeh en Azerbaïdjan (sources : A.H. Dietzel, Emaillierung, Springer-Verlag, 1981; R.A. Higgins, Greek and Roman Jewellery, University of California Press, 1980) et ceux d’Arzhan en Sibérie méridionale, aux limites avec la Mongolie (source: B. Armbruster).  Ces trésors datent au VIIe siècle avant Jésus-Christ, on peut trouver seulement des émaux blancs dans les finitions. Le second vecteur à travers le Caucase est plus tardif et son témoin est le trésor de Kul’Oba en Crimée, daté au IVe siècle avant Jésus-Christ.

Détail d'un bracelet scythe, retrouvé à Kul-Oba (Crimée), émail cloisonné en or, IVe siècle avant J-C.

- Une Route Occidentale, sous la médiation des Phéniciens. Pendant le royaume d’Assurbanipal, la ville phénicienne de Tyre en Liban était sous le contrôle des Assyriens et domina à son tour beaucoup de colonies minéralières comme Carthage (en Tunisie), Tharros (Sardaigne) et, surtout, les villes de Tartessos et Cadiz en Andalousie (Espagne). Dans ces localités espagnoles on peut trouves des trésors avec des bijoux en or avec des petites finitions à l’émail, par exemple le Trésor de El Carambolo (VIIIe – VIe siècles avant Jésus-Christ) et le collier de Gadir (VIIe – VIe siècles avant Jésus-Christ) (source : Núria López-Ribalta). Tous les deux sont très similaires aux correspondants assyriens et scythes de la même période.

Grace à ce marché dans la Méditerranée, entre le VIIe et le IVe siècle avant Jésus-Christ, l’émail arrive jusqu’en Etrurie (Toscane) et en Grande-Grèce, qui corresponde à l’Italie méridionale (source : Valérie Gonzalez, Emaux d’Al Andalous et du Maghreb). L’exécution en ce cas est ainsi précise qu’on peut supposer que la technique était bien connue. En particulier, en Etrurie on a trouvé des bijoux en or : un de ces objets dates du VIe siècle et est exposé au Musée Métropolitain et daté au VIe siècle, et une paire de boucles d’oreilles du IIIe siècle qui font partie de la « Collection Campana » du Musée du Louvre à Paris.

Boucle de oreille, émail cloisonné, VIe siècle

Boucles de oreille, émail en filigrane, Île de Milos, VIe siècle

Un cas différent est représenté par les Celtes, qui utilisaient des objets en bronze avec des décorations en émail rouge vif, pendant la période La Tène (Ve siècle avant Jésus-Christ) ; aux îles britanniques, l’émail se développa au IIIe siècle avant Jésus-Christ. En ce cas, la technique était complètement originale, sous la forme d’un champlevé où les gravures dans le métal était obtenues grâce à la fusion du bronze dans un moule. Les Celtes continuent cette technique pendant des siècles. Les origines mystérieuses des Celtes nous donnent des difficultés à proposer une théorie définitive sur les sources de leurs connaissances de l’émaillage, mais l’hypothèse d’une patrie originaire dans le Caucase nous permet d’identifier une liaison entre l’émaillage celtique et les techniques diffusées par les Scythes sur la Route Orientale.

Un territoire de grande fertilité pour la production des bijoux émaillés est la Nubie, en Soudan. En exclusion de quelques fragments de métal émaillé daté environs 600 avant Jésus-Christ, probablement d’origine égyptienne ou méditerranéenne, c’est dans la période méroïtique (270 avant Jésus-Christ – 50 après Jésus-Christ) que l’émaillage devient un art national. A ce temps, les orfèvres expérimentaient avec la technique champlevée et les premières tentatives d’émail translucide (source : Y.J. Markowitz, D. Doxey, Jewels of Ancient Nubia, Museum of Fine Arts, Boston, 2014).

Un exemple remarquable est le bracelet d’Hathor, retrouvé dans la pyramide 8 à Gebel Barkal et daté à la période 250-100 avant Jésus-Christ, qui contient des émaux bleus très intenses à l’oxyde de cobalt (similaire au bleu égyptien), un violet à base de manganèse et oxyde de cuivres, et un émail vert avec des oxydes de manganèse, cuivre et fer. Malheureusement, les émaux sont endommagé par le temps, mais ils sont uniques pour le fait qu’ils sont translucides, une nouveauté pour les Anciens. La collection la plus grande de bijoux en or émaillé est le Trésor d’Amanishakéto, la Reine de Nubie (32 – 20 avant Jésus-Christ).

Bracelet du trésor de la reine Amanichaketo, en Nubie, émail cloisonné, 35-20 av. J-C

ANTIQUITÉ TARDE

Entre les siècles Ier e IIe après Jésus-Christ, les Romains utilisèrent la technique de l’émaillage surtout pour la décoration des poignards et gaines utilisés par l’armée romaine ; il est en Rome, sous l’Empire d’Octavien Auguste, que la production du verre « millefiori » trouve son apogée. Avec l’expansion de l’Empire, les Romains diffusent les objets émaillés de différentes origines et utilisations, par exemple les fibules et les agrafes pour les armures. C’est la naissance du style gallo-romain où le champlevé donne des résultats plus grossiers. Les trouvailles d’objets médiévaux avec des compositions identiques à celle du verre millefiori romain et c’est pour cela qu’on suppose un recyclage des verres et émaux romains après la conversion de l’Empire au Christianisme qui pourrait expliquer la pénurie de trouvailles. Ce phénomène sera expliqué mieux avec de preuves documentaires quand on parlera des émaux médiévaux.  

Au IVe siècle, les Huns envahissent l’Europe occidentale et forcent les Germains et les Goths à la fuite. Le style du cloisonné Barbare-Romain est réintroduit dans ces térritoires.

Poêle retrouvé aux Staffordshire Moorlands en Angleterre, champlevé en bronze, IIe siècle

Roman fibula, bronze and champlevé enamel, 2nd century AD

HAUT MOYEN ÂGE

Après le Sac de Rome en 410 et les campagne barbares, l’émaillage en Occident subit l’influence d’un style plus oriental avec une qualité technologique inférieure. Les artisans remplit les alvéoles avec des verres colorés qui ressemble à l’émail, mais qui n’adhèrent pas parfaitement à la base métallique et dont le nom d’émail est clairement impropre.

Exemples d'émail cloisonné byzantin: la couverture en or d'un évangélière.

Depuis les 6ème et 8ème siècle, on y trouve un intérêt renouvelé pour l’émail chez les Celtes et dans l’art romaine des îles britanniques, où les barbares n’arrivait pas. Les Anglo-Saxons ont appris cette technique grâce à leur art orfèvre et ont développé un nouveau style d’émail cloisonné insulaire. On doit attendre le VIIIème siècle pour voir des compositions de figures plus complexes.

Un exemple important de cet art est le site de Sutton Hoo (Angleterre, 7ème siècle), où les fouilles archéologiques ont retrouvé des merveilleux filigranes en or travaillées au cloisonné avec des pierres de grenat et verre millefiori romain appliqué comme l’émail pour créer des décoration bleus.

Fermoir d'une armure, retrouvée dans la sépolture navale de Sutton-Hoo

Un des objets les plus importants laissés par les barbares (Ostrogoth, Lombards et Francs) est la Couronne de Fer, créée en plusieurs étapes à partir du IVe siècle jusqu’au VIIIe siècle. La version traditionnelle affirme des origines qui ont été partialement confirmées par l’Université de Milan : l’or de la Couronne vient d’un diadème d’époque constantinienne (350 après Jésus Christ), car Constantin était son premier possesseur, car il était seul sous le règne de Théodoric qu’on commissionne l’addition de 24 plaques avec de l’émail au potassium (500 après Jésus Christ). Les Lombards restaurent et modifient cet œuvre au cours du temps, mais c’est seulement sous Charles Magne que 21 des plaques sont remplacé avec de nouveaux émaux au sodium en occasion du couronnement du premier empereur du Sacré Romain Empire en date 25 décembre 800. Depuis cette époque, 32 rois et empereurs ont porté la Couronne de Fer – le plus important est probablement Napoléon Bonaparte, couronné le 2 décembre 1804 ; la Couronne est à présent préservé dans le Trésor de la Cathédral de Monza. Sans doute, elle est l’objet émaillé le plus important de cette période.

La Couronne de Fer, complétée en plusieurs phases entre le 5ème et le IXème siècle après J-C.

Malgré nous savons que l’émail byzantin existait déjà au VIIème siècle, les icones émaillées les plus anciennes que nous avons retrouvé date depuis le IXème siècle. La cause la plus plausible est la crise iconoclaste du VIIIème siècle, quand l’église grecque était près d’un schisme entre les défendeurs de l’iconographie traditionnelle et ceux qui l’opposait, car ils étaient sûrs qu’il était nécessaire de détruire toutes formes d’images sacrés.

Néanmoins, on a retrouvé des émaux en technique cloisonnée de cette période en Géorgie, exposé à présent dans le Musée de Beaux-Arts de Tbilissi, où l’on peut admiré aussi les triptyques de Martvili et Khakhuli, daté du IXème au XIIème siècle (source: Núria López-Ribalta). La Géorgie, en effet, est un des peux territoires sous l’influence de Byzance qui n’étaient pas sujets à l’iconoclasme.

Du VIIIème au IXème siècle, l’importation d’œuvres en émail cloisonné de Constantinople dans l’Europe continentale inspire les orfèvres francs et germaniques à produire des véritables chefs-d’œuvre, surtout reliquiaires. En France, le bénitier de Saint Maurice d’Agaune avec de décorations en style persienne est un exemple de cette production. Entre les objets émaillés les plus intéressants de la période ottonienne (887-1000) il y a ceux commissionnés par l’archevêque Egbert de Trèves (950-993). En particulier, on doit mentionner ici l’autel-reliquiaire de la sandale de Saint-André, le bâton pastoral de l’apôtre Saint-Pierre et le reliquiaire du Saint Clou, actuellement dans le Trésor de la Cathédrale de Trèves.

Trois reliquiaires d'Egbert: le Saint Clou, le Bâton pastorale de Saint-Pierre et la sandale de Saint-André.

En Espagne, où les Visigoths ont créé leurs royaumes germaniques pendant le VIIIe siècle, l’émail arrive de Byzance et on fonde la première école autochtone d’orfèvrerie. Avec les premiers royaumes islamiques en Espagne (711-718), ces productions s’arrêtent temporairement. La bijouterie émaillée trouve un terrain fertile après un siècle sous le califat de Córdova. En 839, pendant une cérémonie mémorable témoignée par les chroniques contemporaines, le calife ʿAbd ar-Raḥman II recevait une délégation de l’Empereur de Constantinople. Pendant cet événement, l’Empereur d’Orient offrait beaucoup de présents au calife, entre lesquelles des bijoux en or et émail cloisonné. Les nouveaux échanges avec des orfèvres byzantins réintroduisent la bijouterie en or en al-Andalus. Pour des raisons religieuses (les musulmans médiévaux créaient que travailler et faire commerce d’or était une activité lié à l’usure), les commettants musulmans déléguèrent la prodution de bijouterie à l’émail aux orfèvres juifs, qui obtinrent une forme de monopole en ce milieu. Cette tradition orfèvre influera la production chrétienne dans le Royaume de León, en particulier l’école de l’Abbé de Saint Dominique de Silos (on va retourner sur ce point dans le chapitre suivant sur les écoles médiévales). Un exemple rare d’émaillage en territoire chrétien est la Croix de la Victoire, commissionnée par Alphonse III en 908, un symbole de l’actuelle Principauté des Asturies. Un cas différent est représenté par la tradition orfèvre du Royaume de Navarre, où l’émail était déjà arrivé de l’Europe Centrale avec les caractéristiques typiques de l’art carolingien. 

Les laboratoires italiens deviennent bientôt très célèbres pour la manufacture de parfaits émaux carolingiens qui sont exportés en toute Europe au cours du VIIème siècle. Un témoin important de l’art carolingien dans l’Autel de Saint-Ambrose en Milan, créé environs 850 par Volvinius, un orfèvre d’origine allemande.

Un émail cloisonné byzantine du Retable de l’Autel de Saint Ambrose à Milan (850 après J-C, par l’orfèvre Volvinio).

L’œuvre en émail cloisonné byzantin la plus grande et précieuses est sans doute la « Pala d’Oro » ou Retable en Or de la Cathédrale de Saint Marc à Venise. Le doge Pietro Orseolo I commissionna (976-978) un antependium en or et émail qui sera modifié et accrue sous Ordelaffo Falier en 1105 pour devenir un retable derrière le nouvel autel de Saint Marc ; la « Pala » était épandue successivement deux autres fois sous Pietro Ziani (1209) et Andrea Dandolo (1342). Actuellement, la « Pala d’Oro » compte 250 émaux cloisonné d’origine byzantine

Détails de la « Pala d’Oro » de de Saint-Marc à Venise (Xe - XVe siècle, 3,48x1,40 m).

De même temps, en Occident et en Orient on trouve une nouvelle variation du cloisonné, « l’émail mixté », où l’orfèvre creusé les figures dans le métal et ajoutait les fils du cloisonné pour tracer le dessin. C’est la première étape envers l’invention du champlevé sur gravure. Un exemple classique de cette technique est la Couronne de Saint Étienne, symbole nationale de la Hongrie, composé de deux diadèmes daté au XIème siècle. 

Couronne de Saint-Étienne, émail mixté, XIe siècle

Pendant la période carolingienne, on peut vérifier l’apparition du verre cathédrale gothique, où le verre est coloré ou émaillé en forme de tesselles unis entre eux par une corniche de plomb. L’exemple le plus ancien connu de verre cathédrale a était peint à main au Xème siècle par le moine Wernher dans l’Abbaye de Tegernsee en Bavarie.

En Espagne, sous le patronage de Fernand I, roi de Léon (1016-1065), et son consort la reine Sancha, on ouvre beaucoup d’ateliers dévoués au cloisonné sur or et argent ; beaucoup d’eaux sont présent partiellement dans le Trésor de Saint-Isidore de Léon dans la Cathédrale d’Oviedo.

Un curieux exemple d'objets en fer: une image religieuse et quelques disquettes, probablement utilisé comme argent. Technique cloisonné, XIème siècle. Retrouvés en Haute Vienne et exposé au Musée de Beaux-Art de Limoges.

CONQUES ET LES ÉCOLES MÉDIÉVALES

Pendant les dernières années du Xie siècle, dans la ville de CONQUES en France, on peut vérifier l’apparition d’une nouvelle production à l’émail sur cuivre doré. On pense qu’il est ici que la technique du champlevé sur cuivre est née (un des premiers exemples et le reliquaire de l’abbé Boniface de Saint Foy, 1120), laquelle était obtenue non plus par l’émaillage dans les champs formés dans le bronze en fusion comme dans l’émail celtique, mais dans les alvéoles produit au ciseau ou par morsure acide. La technique était une évolution de cette utilisé pour la Couronne d’Hongrie. A la mort de l’abbé Begon III, un des principaux patrons de l’orfèvrerie et de l’émaillage à Conques, cette production décline et se dépasse dans de nouveaux centres d’émaillage : (Enamels of Limoges 1100-1350,  AA.VV., Metropolitan Museum, 1996, New York).

Depuis le 12ème siècle, on trouve la fondation de nouvelles écoles qui ont hérédité le style champlevé de Conques : ce sont l’école limousine (Limoges, France), l’école mosane (Lièges, Stavelot et Namur, Belgique), l’école rhénane (Cologne, Allemagne) et l’école de Burgos (dans l’abbé de Santo Domingo de Silos, Espagne). On ne peut pas considérer une casualité le fait que les villes de Conques, Limoges, Cologne et Silos se trouve sur la Chemin de Santiago de Compostelle, puisque le pape Calixte II et ses successeurs on commencé à cette période leur encouragement à visiter le sanctuaire (source: G. Hernández, Trabajo fin de grado - Esmaltes sobre Metal, Barcelona, 2014; pg.14-16). Au cours du Moyen Âge, ces ateliers on produit une grande quantité d’objets religieux comme les chasses-reliquiaires, les tableaux d’autel, les tabernacles, les patènes, les calices et les plaques religieuses.

Positions de Conques, Limoges, Lièges et Cologne sur le Chemin de Santiago.

Limoges était la première ville qui recevait le témoin de Conques grâce à sa proximité, et sa production d’émaux en champlevé se distingue pour son abondance et continuité qui va la perfectionner aux cours des décades suivantes. Le premier exemple connu d’émail champlevé à Limoges est le reliquaire connu comme « la Chasse de Bellac » (1130). Après quelques ans, la connaissance de la nouvelle technique arrive à Cologne et se diffuse rapidement dans les régions rhénane et mosane. En particulier, c’est probablement Roger de Helmarshausen, le célèbre orfèvre et maître du niellage, qui a diffusé cette connaissance de Cologne jusqu’à l’abbé de Helmarshausen, en Allemagne Méridionale. Plus tard, un moine connu sous le pseudonyme « Théophile le presbytère » recueil ses connaissance de l’émaillage, du niellage et de l’orfèvrerie dans le traité « De diversis artibus », appelé aussi « Schaedula diversarum artium ». Quelques experts pensent que cet Théophile et le même Roger de Helmarshausen sous pseudonyme, entre eux Albert Ila, Dodwell, Cyril Stanley Smith et Exkhard Freise. En effet, les deus personnages vivait dans la même période et un des manuscript de son œuvre montre la signature « Theophilus est Rugerus ». Néanmoins, d’autres auteurs doutent cette identification, par exemple Maria Luisa Martin Anson. Sans doute, on peut supposer une dépendance de Théophile de l’œuvre de Roger, puisqu’ils décrivent les mêmes techniques.

A gauche : crosse épiscopale en émail champlevé, 1150 après J-C. A droite : pyxide et châsse-reliquaire, 1200 après J-C. Château des Sforza, Milan.

L’école mosane, en particulier, a ses centres principaux dans les abbayes de Stavelot et St. Denis, où l’on trouve des grands orfèvres et émailleurs comme le célèbre Godefroy de Claire (actif 1150-1173). Un autre représentant de cette école est Nicholas de Verdun, fameux pour sa Châsse des Rois Mages à Cologne (1190-1220) et pour le retable de Klosterneuburg (Autriche, 1171-1181).

Nicholas de Verdun travaillait sur son chef-d’œuvre pour 10 ans et consignait-il au Prévost de Klosterneuburg en 1181. En origine, il était conçu comme la décoration de la chaire à prêcher de l’église de l’abbaye. Pendant le grand feu, le 13 septembre 1330, les moines ont réussi à sauver les émaux en versant du vin sur les flammes, puisque l’eau n’était pas suffisante. Les orfèvres de Vienne ont réarrangé les panneaux à l’émail et ajouté six émaux pour composer l’actuel retable et le protéger dans un cadre.

Reliquaire des Rois Mages, réalisé par Nicolas de Verdun. Cologne, Allemagne, 1190-1220.

Au dessous: détail du prophète Amos, aussi du Reliquaire des Rois Mages.

La technique de l’émail champlevé sur cuivre doré arrive en Espagne au moins depuis le XIIe siècle. Comme déjà affirmé au chapitre précédent, au royaume de León l’influence de l’orfèvrerie byzantine et arabe était importante surtout près de Burgos, une ville édifiée en 850 à la limite avec le Califat de Córdova et une des principales stations sur le Chemin de Saint Jacques. Un impulse important à l’art de l’émail venait de la reine Sancha I de León (1032-1067), qui appela quelques orfèvres byzantins et émailleurs de la Castille. Dans ce contexte, une nouvelle école est née dans l’Abbé de Saint Dominique de Silos ; grâce à sa position favorable en contact avec Limoges, la technique du champlevé sur cuivre doré arrive à Silos et s’installe ici, prenant ces caractéristiques propres surtout pour ce qui concerne la couleur des émaux (le vert brillant, en particulier). Deux œuvres importantes de cette période sont l’Urne de Saint Dominique (1165-1170) et le bâton pastoral de l’abbé Juan II (1198). De même temps, au royaume de Navarre on trouve le Frontal d’Aralar, un antependium dans le Sanctuaire de Saint Michel d’Aralar, formé de 39 plaques émaillé dont l’auteur est probablement un limousin.

L’École de Limoges est en effet la seule qui a réussi à survivre jusqu’à nos jour après quelques périodes de décadence. Ça a été possible grâce aux décisions du Quatrième Concile Œcuménique du Latran (1215) où l’on décida, sous l’impulse du pape Innocent III, que l’Eucharistie devait être gardé sous clef dans un tabernacle ou un autre récipient, et grâce au Synode de Winchester (1229) qui décida que les colombes eucharistiques (produites à ce but depuis 300 après Jésus Christ) étaient une forme valide de tabernacle. À ce temps, Limoges produisait des colombes eucharistiques très belles en cuivre doré qui étaient à bas prix si l’on compare aux tabernacles à temple en or ou argent. Cela permettait au soi-disant Opus Lemovicense de survivre jusqu’au XIVème siècle avec une production « de masse » qui de contre perd beaucoup de son esprit artistique.

BAS MOYEN ÂGE

À la moitié du XIVe siècle, Limoges commence sa première période de décadence et Sienne en Italie devient la patrie d’une nouvelle technique. C’est le champlevé basse-taille, où l’on applique des émaux translucides sur un bas-relief au ciseau ; de cette façon, les différentes profondeurs donnent différentes résultats d’effets en « Chiaroscuro » et le métal (surtout argent) brille au-dessus de la couche d’émail.

Une restauratrice des Musées Vaticanes a écrit :

« La création d’émaux translucides est due à la fusion de deux différentes expériences technologiques : l’une est la tradition française du relief sur la base métallique ; l’autre est et l’utilisation byzantine d’émaux semi-transparents ».

Flavia Callori di Vignale, “Il Calice di Guccio di Mannaia nel Tesoro della Basilica di San Francesco ad Assisi”, page 133.

La première œuvre en champlevé basse-taille est le Calice de Nicholas IV, maintenant à Assisi, créé par Guccio di Mannaia ; la coupe en argent doré et haute 22 cm et décorée avec 96 émaux translucides de petites dimensions. La technique de Guccio di Mannaia a gagné immédiatement du succès et a été adoptée et améliorée par d’autres orfèvres pour la création de coupes et patènes eucharistiques. On rappelle en particulier Duccio di Donato, Tonino di Guerrino et Andrea Riguardi. En 1337, un autre artiste de Sienne, Ugolino di Vieri, produit un grand chef-d’œuvre, le Reliquaire du Corporal de Bolsena, dans la Cathédrale de Orvieto, qui est haute 139 cm et composé par 32 émaux.

A gauche, le Reliquaire du Miracle de Bolsène, réalisé par Ugolino di Vieri (1337 – 1339).
A droite, Calice de Nicolas IV (1288 – 1292) réalisé de Guccio di Mannaia (Musée du Trésor de la Basilique Saint François à Assise) : c’est le premier exemple connu d’émail « basse-taille ».

La technique du champlevé basse-taille arriva successivement en Espagne sous l’influence du roi catalan Jacques I d’Aragon (†1276). En particulier, on rappelle Majorque, qui devenait prééminent pour sa manufacture d’orfèvres qui venait sur l’île de la Provence, de Sienne et de Naples, et bien aussi Valencia, grâce à l’œuvre de Pierre Berneç, un orfèvre et émailleur actif sous le règne de Pierre le Cérémonieux (†1387) et auteur de beaucoup d’objets religieux, comme l’autel d’or de la Cathédral de Gérone. 

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Retable de la cathédrale de Gérone, une oeuvre de Pierre Berneç.

A peu près cette période, la Perse (Iran) devient la patrie d’une nouvelle production artistique sous le règne de Ghazan Khan (1271-1304). Les émaux sont une miniature sur émail blanc avec des motifs à figures géométriques et fleurs, avec le style traditionnel islamique. La technique est connue communément sous le nom de minakari, qui signifie « paradis », un nom inspiré des couleurs azurs et bleus qui sont prévalent en ce style.

EXPERIMENTS ENTRE LES SIÈCLES XIVe ET XVe

La première preuve documentée de l’existence de l’émail de plique est un inventorie du Pape Boniface VIII daté 1295, où il est appelé en Latin smalta clara. Cependant, le premier exemple qui est arrivé jusqu’à nos jours est la Coupe de Mérode avec le couvercle, en vermeil émaillé, produite en Bourgogne en 1400. L’objet prend son nom de l’ancienne famille Mérode, qui était les propriétaires originaires de la Coupe.

La Coupe de Mérode, vermeil et émail de plique, produite en Bourgogne en 1400

Pendant les années 1380-1420, les artistes commençait à expérimenter avec de nouvelles formes de décoration qui montre plus « courage » que les précédentes. En particulier, c’est le moment de l’émail en ronde bosse, développé à Paris et Londres. Une raison possible pour ces développements est que le Massacre de Limoges (19 septembre 1370) pendant la Guerre des Cent Ans (1337-1453) a causé une crise de l’École de Limoges et ses émailleurs ont trouvé hospitalité à Paris sous le patronage de Jean de Valois, le Duc de Berry. Les émaux en ronde bosse de cette période sont le Reliquaire de Montalto (1377-1380), créé à Paris par l’orfèvre et valet du roi Jan du Vivier et modifié par un orfèvre vénitien en 1460 ; le Reliquaire de la Sacre Épine (1380-1387), le Cheval d’Or de Charles VI et la Table de la Trinité, haut 44,5 cm. Il faut mentionner aussi le célèbre bijou de Dunstable.

Trois des premiers émaux en ronde bosse. Á gauche: Reliquaire de la Sainte Épine, 1380, British Museum (Londres, Royaume-Uni); au centre: Cheval d'Or, 1404, Église de Sainte Anne (Altötting, Allemagne); à droite, Table de la Trinité, 1411, Musée du Louvre (Paris, France)

Les preuves les plus anciennes sur l’existence d’émaux tchèques ou moraves datent au royaume de la Maison de Luxembourg. On peut dire que l’utilisation de l’émail pendant la période gothique était généralement limitée à peux d’objets et exclusivement comme ajoute décorative aux pierres précieuses, qui restaient l’élément ornemental principal.

Pendant le royaume de Charles IV de Luxembourg, le premier roi de Bohème qui avait aussi la couronne du Sacré Empire Romain de 1355 à 1378, on peut vérifier un boom culturel qui apportait une remarquable croissance des arts, surtout l’architecture et l’orfèvrerie, qui faisaient partie des travaux d’expansion de la capitale, Prague. Par exemple, on y trouve des émaux décoratifs bien aussi sur les objets produit chez Petr Parléř, un artiste d’origine allemande qui travaillait à Prague.

Le reliquaire de la famille Kolovrat, produit aux années 1460-1470 par l’orfèvre Martin de Hradčan, est un autre objet remarquable, mais il montre une origine hongroise de l’artiste. 

Un autre artefact important de la période gothique, montrant de petites décorations à l’émail vert et bleu, est la ceinture traditionnellement associé à la reine Elizabeth, la quatrième femme de Charles IV, en réalité une œuvre de la 2e moitié du XVe siècle

Dans les premières années du XVe siècle, l’émail persan arrive de l’Iran et Pakistan jusqu’à la Chine, où il est connu comme « objets islamique » dans le livre Ge Gu Yao Lun.

LA RENAISSANCE : ÉMAUX PEINTS ET PEINTURES SUR ÉMAIL

Pendant le XVe siècle, en Italie septentrionale, à Venise en particulier, on passe du champlevé à la peinture à l’émail, une imitation de la porcelaine peinte. 

Exemples de peinture à l'émail en Italie du nord pendant au XVe siècle

Le grand renouvellement dans le champ de l’émaillage était la création de l’émail peint, qui a été presque contemporaine en Italie et en France. Jean Fouquet a appris l’art de l’émaillage du maître italien Filarete et a été le premier à produire un camaïeu à l’émail dans une technique proche de l’émail peint e de la grisaille, quelques années en avance. L’émail était prêt pour devenir un art véritable : les figures naïves et stylisées du cloisonné et champlevé ont été abandonnées et remplacées avec la précision de la peinture à l’huile. La brillance et la palette de couleurs étaient améliorées quand la technique était combinée avec les paillons d’or et argent. Á la fin du XVe siècle, on trouve 40 œuvres attribuées au même auteur ou atelier, connu aux experts sous le nom de « Prétendu-Monvaërni ». Le style a déjà les traits principaux de l’émail peint, mais la qualité ne peut pas être comparé aux peintures plus évolues du XVIe siècle.

Autoportrait de Jean Fouquet, considéré le premier exemple d’émail peint (Louvre).

Flagellation, Prétendu-Monvaërni, émail peint, 14 x 16 cm, Limoges, XVe siècle

La première œuvre en pur émail peint est la Crucifixion de Nardon Pénicaud (1470-1542), datée 1503. Nardon est le premier d’une dynastie d’émailleur de Limoges. L’œuvre, commissionnée par René II, Duc de Lorraine (1451-1508), est maintenant au Musée de Cluny. Dans cette période nait la technique de la grisaille, environs 1530. Les créations meilleures combinent l’émail peint, la grisaille et le translucide sur la même pièce. La technique sera la source d’un nouveau succès de Limoges. Entre les meilleurs artistes, il faut mentionner Pierre Courteys, Pierre Reymond, Nouailher, Jacques Laudin, Jean de Court et sa fille Susanne de Court, la première femme connue par nom. Il y a aussi quelques artistes anonymes comme le Maître de l’Énéide. 

Crucifixion de Nardon Pénicaud, émail peint, Limoges, 1503

L’émailleur plus célèbre est certainement Léonard Limosin (1505-1577), le premier à être officiellement reconnu comme peintre de court et valet de la chambre du roi. Limosin a été admis à l’Ecole de Fontainebleau et a été capable de produire centaines de portraits et de peintures avec ses propres ébauches. C’est pour ça qu’il est reconnu le plus grand représentant de l’émail de Limoges dans la Renaissance.

Deux oeuvres de Léonard Limosin. A gauche : Flagellation, 1550 après J-C, émail sur cuivre.
A droite : Portrait du Comte du Palatinat Jean Philippe, 1550 après J-C, émail sur cuivre
.

Technique de la grisaille. À gauche, la Folie de Jean Laudin (1616-1688). À droite, un émail à thème mythologique, école florentine.

Dans la même période, le raja d’Amber, Man Singh I, accueil des émailleurs du Panjab (Pakistan) à Jaipur et tourne la cité et ses entourages (Delhi et Lahore) dans le premier centre d’émail minakari par importance en Inde. 

En Occident, la rapide et soudaine floraison de l’artisanat artistique en Tchéquie aux siècles XVIe et XVIIe, est due au royaume de Rudolph II (1572-1612), qui était un collectionneur et créait son cabinet de curiosités, une salle où l’on recueillait les ouvres d’art et métiers qu’il recevait en donation pendant ses visites officielles. Le cabinet contenait ouvres originaires de toute Europe. Pendant le royaume de Rudolph, Prague accueillait de grands artistes et artisans, en particulier beaucoup d’orfèvres très connus et de grande habilité, qui produisirent de bijoux pas seulement pour les aristocrates, mais bien aussi pour les citoyens bourgeois. La présence très commune de bijoux à l’émail dans les portraits de cette période sont un indicateur du mauvais traitement des émaux, en considérant que le nombre d’objets survécu jusqu’à nos jours est très limité. Ces objets combinaient beaucoup de différentes techniques originaires de l’Ouest, comme le ronde bosse, le champlevé et le champlevé basse-taille, avec une alternance de couleurs transparents et opaques.

À la fin du XVIe siècle, l’art de l’émail décline une autre fois, spécialement à cause du changement de goûts et de la qualité réduite des productions de masse. La technique utilisé au temps, appelé peinture à l’émail, était presque une imitation de la porcelaine. On peut voir le triomphe des peintures à l’émail dans la production de tabatières, poudriers, montres de table et bijouterie. Ce style était parfait pour interpréter le nouveau goût rococo des objets de luxe.

DU XVIIe SIÈCLE À NOS JOURS

Une nouvelle technique appelée « miniature à l’émail » va rénover l’émail en Suisse et en France au commencement du XVIIe siècle. Jean et Henri Toutin à Genève découvre cette méthode d’émaillage en 1632, quand ils commençaient à appliquer des oxydes colorés au pinceau sur un émail transparent. Un de ses disciples, Jean I Petitot, est connu comme le Raphaël de l’émail pour ses œuvres parfaites, en particulier ceux produits sur les ébauches d’Anton van Dyck avec une palette de couleurs créée par le chimiste Turquet de Mayerme. Le portraitiste plus grand est bien sûr Jean-Etienne Liotard. (1702-1789).

Portrait de Luois XIV, le Roi Soleil, miniature à l'émail par Jean Petitot pendant la période 1649-1691.

En 1753 on trouve les premières manufactures d’émail à Battersea (Angleterre).

Pendant un voyage diplomatique en Europe occidentale en 1697-1698, l’empereur russe Pierre le Grand rencontra Charles Boit, un émailleur suédois d’origines françaises qui travaillait chez Guillaume III d’Angleterre. Fasciné par cette technique, Pierre commençait à inviter des miniaturistes occidentaux dans la nouvelle capitale Saint-Pétersbourg. Le premier miniaturiste russe est Grigorij Semënovič Musikijskij (1670-1740) qui venait de Moscou et qui créa les premiers portraits de la famille royale à l’émail. Un autre nom important est ce d’Andrey Grigorovič Ovsov, qui adopta le style du pointillé qui ressemblait aux miniatures françaises et anglaises. 

C’est seulement en 1763 que l’archevêque de Rostov ordonne la fondation du premier atelier d’icônes en peinture à l’émail : c’est une forme de miniature appelée finift qui passe très rapidement du milieu religieux au milieu profane. 

Commençant en 1845 et jusqu’à 1872, la célèbre manufacture de porcelaine de Sèvres ouvre son atelier d’émail artistique. René Lalique est connu comme un grand représentant de l’émail dans l’Art Nouveau.

De même temps, le samouraï japonais Kaji Tsukenichi découvre comment reproduire les émaux cloisonné chinois et ouvre la première manufacture d’émail à Nagoya, tant importante qu’il reçoit des reconnaissances par l’État. L’Émail été déjà arrivé au Japon en 1620, mais il n’avait jamais eu le même succès qu’à cette période jusqu’à environs 1960.

Une couple de vases de Kaji Tsunekichi en Yūsen-Shippō (émail cloisonné japonais), fin du XIXe siècle.

La fin du XIXe siècle voit l’abandonnement des portraits à cause de l’invention du daguerréotype. Une exception importante est Carl Fabergé de St. Pétersbourg, qui invente l’application des émaux transparents et translucides sur or et argent travaillés avec la machine à guillocher. Il est célèbre pour sa production d’œufs-surprises pour les tsars russes. 

Un représentant italien de l’Art Nouveau et Vincenzo Miranda, un orfèvre de Naples qui porte un de ses bijoux à l’exposition international de 1900. En Autriche, les noms les plus importants sont ceux d’Hermann Ratzersdorfer et Hermann Böhm à Vienne qui créent des miniatures en peinture à l’émail.

Entre les grands artistes de l’émail au XXe siècle, on rappelle en particulier les noms de Robert Barriot en France, Egino Weinert en Allemagne et, en Italie, Giuseppe Guidi (1880-1931), Giuseppe Maretto (1908—1984) et Mario Maré (1921-1993). Ces maîtres utilisaient une technique unique, connue par Maretto sous le nom de « taglio molle » (coupe mol) où l’on grave les contours du dessin sur l’émail cru après la cuisson ; ainsi on obtient un bas-relief et les émaux de différentes couleurs sont bien séparés entre eux.

Aussi en Italie, beaucoup de designers comme Gio Ponti, Armando Pomodoro et Sottsass collaborent avec de grands émailleurs comme Paolo De Poli, Franco Bucci, Franco Bastianelli ou le « Studio del Campo » pour la production d’objets de design très innovants. La fondation du C.K.I. en 1979 a été un des événements les plus importants qui ont aidé pour la renaissance de l’émail au niveau international grâce à la collaboration des artistes.

CONCLUSION

Sur une période de 35 siècles, de nombreuses techniques d'émaillage ont été développées, en passant par de nombreuses populations se distinguant par la culture, la religion et l'origine sociale. Elles ont été absorbées et diffusées par de nombreuses écoles et mouvements artistiques, la fascination particulière pour cet art appliqué a surmonté toutes sortes d'obstacles, pour atteindre notre temps de façon presque intacte. Cela reste un art difficile et destiné à une élite d'artistes qui ont une passion pour des résultats étonnants qui ne deviennent visibles qu'après quelques dizaines de cuisson à 800 °C. Les aléas de la destinée ont conservé ces techniques et nous parviennent aujourd’hui presque inchangées, comme montrent les exemples suivants:

Le Cloisonné, avec des oeuvres créées par Egino Weinert de Cologne et un vieil artiste de 90 ans Gertrud Rittmann-Fischer qui racontent des histoires et textes de poésie à partir de l’émail et la technique Translucide de Larisa Solomnikova.

Egino Weinert                         Gertrud Rittmann-Fischer                  Larisa Solomnikova

- Le Ronde-Bosse, le Champlevé et le Plique-à-jour, utilisés par les orfèvres.

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- La technique Grisaille, préservé par une élite de maîtres comme Jean Zamora.

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- On trouve aussi quelques exemples d’execution abstracte comme cet émail du futuriste Bucci…

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…ou la perfection de l’émail-peint atteinte par Bétourné de Limoges, Monna Margarita par Francesc Vilasis-Capalleja de Barcelone, ou l'émotion artistique de l'Italien Micaela Doni.

Betourné                         -                 Francesc Vilasís-Capalleja

Micaela Doni

Imaginons Léonardo utilisant des émaux pour peindre l'un de ses chefs-d'oeuvre, la Joconde exposée au Louvre aujourd'hui, à l'abri des détériorations dues au temps: comme si la Joconde était encore «neuve», conservant ses couleurs vives et originelles, extraite d'un four par les mains expertes du Maestro.

Comparaison de durée : à gauche et en haut, la Joconde (1510, peinture a l’huile) de Léonardo da Vinci, avec ses rides de vieillissements. A droite et en bas, le portrait de Marie reine d'Ecosse et de France (1559-1560, émail sur cuivre): il apparaît comme s’il venait juste de sortir du four.

Mais Léonardo avait compris les incroyables propriétés de l’émail, en particulier sa résistance au temps. Voici ses considérations dans son Traité de la Peinture².

"La peinture faite sur cuivre revêtu d'émail blanc avec des couleurs a l'émail, mise au feu et fondue, dépasse la sculpture par durée"

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1. Collection Campana dans le Musée du Louvre.

2. Collection de manuscriptes de Léonardo publiée posthume par Francesco Melzi entre les années 1519-1542.